Interview avec Christine Bourge, responsable environnement chez Perifem. Découvrez cet échange intéressant sur la démarche volontaire des distributeurs en matière de réemploi, sur le bâton réglementaire et sur la traçabilité et la collaboration qui sont à la base de tout !
Avec plaisir. Perifem est la fédération technique de la grande distribution. Nous sommes une association qui existe depuis un peu plus de 40 ans. Nous avons trois collèges d'adhérents :
Le périmètre d'action de Perifem, c'est le point de vente. Nous adressons toutes les problématiques liées aux points de vente : conception, aménagement des parkings, gestion de l'eau, équipement des points de vente et exploitation etc. Nous n'adressons pas directement les problématiques liées aux produits qui sont vendus sur ces mêmes points de vente.
Pour finir, nous avons deux missions chez Perifem :
L'économie circulaire constitue un de nos volets de compétences. Dans ce volet, nous traitons tous les sujets liés à la gestion des déchets, notamment les déchets d'exploitation, et des sujets liés aux emballages, sous le prisme équipement-exploitation.
Nous nous impliquons de plus en plus sur les sujets de réemploi d'emballages, notamment les EIC (emballages industriels et commerciaux), car cela a de vraies conséquences sur la gestion et, in fine, sur la réduction des déchets liés aux emballages d'exploitation.
ℹ️ Rappel des objectifs de réemploi :
- la loi AGEC fixe un objectif de 10 % des emballages réemployés mis sur le marché en France dʼici 2027,
- le règlement européen PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation) fixe un objectif de 40% pour les emballages de transport et de vente et de 10% pour les emballages groupés en 2030
Sur les emballages professionnels, il y a à la fois des préoccupations réglementaires et d'autres qui ne le sont pas, mais qui restent importantes. Au sens strict de la future REP Emballages Professionnels, on aura une obligation d’atteindre un taux de 10% des emballages réemployés d'ici 2027.
Nos adhérents ont déjà des pratiques de réemploi (notamment sur les palettes), mais le vrai problème est que nous rencontrons des difficultés à chiffrer et tracer ces pratiques. Jusqu’ici, il n’y avait pas de REP donc ça se faisait avec du bon sens, de manière pragmatique, mais non structurée. Aujourd’hui, il faut identifier les bons interlocuteurs dans les enseignes, alors qu’ils ne sont pas forcément nommés, et mettre en place des systèmes d’information capables de suivre ces données. Elles seront indispensables pour effectuer les déclarations de réemploi. C'est une grosse préoccupation qui est directement liée à la réglementation.
Un autre aspect à anticiper, qui va avoir un très gros impact sur la distribution, c’est que la nouvelle définition du “metteur en marché” issue du PPWR va modifier le statut des distributeurs. Jusqu’ici, ils n’étaient pas considérés comme metteurs en marché de leurs MDD (marques de distributeur) à cause d’une jurisprudence. Ce changement de définition va les intégrer comme producteurs, aussi bien pour les emballages ménagers que professionnels.
C'est encore flou. Nous avons organisé une réunion chez Perifem récemment pour échanger sur le sujet. Il en ressort que les enseignes réfléchissent pour l’instant surtout à la partie amont de la REP : l’éco-contribution, le choix des éco-organismes, etc.
La partie aval (traçabilité, déclaration, réemploi) n’est pas encore bien prise en main, mais elle deviendra très vite un sujet majeur.
La priorité, c’est la traçabilité.
Tout le monde sait qu’il faudra arriver à 10% de réemploi, mais il faut d’abord être capable de se situer pour savoir finalement ce qu'il nous reste à gravir pour arriver à 10%. Aujourd'hui, les systèmes d'information des enseignes ne permettent pas d’identifier ni de tracer les emballages réemployés. Donc, il y a tout un système de traçabilité à mettre en place. Même s’il existe des bonnes pratiques sur les palettes, par exemple, ces pratiques ne sont pas visibles ni exploitables informatiquement.
Autre point crucial : selon la méthodologie de l’ADEME, on ne doit pas déclarer le réemployable, mais le réemployé. Donc si on achète une palette, on ne peut la comptabiliser comme réemployée qu’à sa 2ème utilisation.
Et il y une autre difficulté, notamment sur les emballages qui viennent des fournisseurs (même hors MDD) pour lesquels les distributeurs ne seront pas considérés comme les metteurs en marché. Par exemple, si une palette passe de la plateforme logistique au magasin sans être reconditionnée, ce n’est pas du réemploi. Mais si elle est reconditionnée (on enlève un produit et on met un autre), alors cela devient du réemploi.
Enfin, sur les imports (notamment non alimentaires), il y a aussi un vrai souci de traçabilité, car un même produit peut arriver avec des conditionnements différents selon les lots entre un premier et un deuxième import.
Perifem a publié une feuille de route 3R en 2023 dans le cadre de la Stratégie nationale 3R, en collaboration avec la FCD (Fédération du Commerce et de la Distribution) et avec l’aide de l’ADEME. Il y a deux feuilles de route distinctes :
Dans cette feuille de route, il y a :
Il y a une vraie volonté au sein de Perifem d’avancer sur le réemploi d’emballages, à commencer par les caisses de fruits et légumes et les caisses marée. Le président de Perifem, Bertrand Swiderski, souhaite notamment augmenter le taux de réemploi sur ces caisses-là. Aujourd'hui, nous estimons à 40% le taux de réemploi sur les caisses fruits et légumes, ce qui est déjà pas mal, mais cela pourrait sans doute être beaucoup plus ! Sur les caisses marée nous devons sans doute être en-dessous de 10%.
L’idée serait de prendre un engagement public et d’embarquer toute la filière parce que nous ne pouvons pas le faire sans les fournisseurs. Il faut souligner que c’est une démarche volontaire des distributeurs : comme ils ne sont pas metteurs en marché au sens de la REP de ces emballages de transports, passer aux caisses réemployables ne va donc pas contribuer à l’ objectif réglementaire des distributeurs d’atteindre 10% d’emballages réemployés d’ici 2027. Néanmoins, malgré cette difficulté d’ordre “technique”, il y a une vraie volonté de contribuer à l’augmentation du taux de réemploi des emballages BtoB !
Oui ! Leclerc et U notamment sont assez actifs et volontaires sur le sujet des caisses marée. Après il y a d'autres emballages sur lesquels c'est peut-être plus expérimental, mais sur lesquells il faut quand même travailler, notamment via des projets avec des industriels pour enlever les cartons et livrer plutôt dans des caisses réemployables.
Après, il y a des expérimentations sur des caisses palettes et sur les ceintures de palettes, pour éviter les films. Il y a des solutions qui émergent. Sur les intercalaires de palettes, sur les boissons notamment, l'Angleterre est bien avancée. Si l'Angleterre le fait, pourquoi nous, on ne le ferait pas ? Des expérimentations sont donc en cours. Encore une fois, elles ne vont pas contribuer aux objectifs réglementaires, mais ce sont de vraies pistes pour développer le réemploi !
Perifem ne pilote pas directement les expérimentations, mais cherche à les faire connaître pour créer un effet d’entraînement. Nous avons de bonnes relations avec des partenaires comme Pandobac ou d’autres apporteurs de solutions, et nous les invitons à nous partager leurs innovations, retours d’expérience, etc. Et nous leur donnons la parole dans des forums, pour présenter à l’instant T des projets concrets, parfois en lien avec une enseigne.
L’idée est de créer une dynamique collective : si un acteur montre que ça fonctionne, cela peut inspirer les autres et créer un effet boule de neige. Nous publions aussi sur notre extranet. Pour ma part, j’essaie de rappeler régulièrement les engagements et la feuille de route que nous avons co-écrite avec les adhérents !
Par exemple, certains disent encore : « On a jusqu’à 2030 pour trouver une filière de recyclage pour les styréniques. » Si cette filière est finalement créée et que certaines enseignes veulent continuer, on ne pourra pas les forcer. Mais ce n’est pas ce à quoi elles se sont engagées : l’engagement, c’était d’arrêter les styréniques, qu’il y ait une filière ou non. Ce n’est pas un engagement de Perifem, c’est un engagement du secteur. Ils ont le droit de changer d’avis, mais nous sommes là pour leur rappeler les engagements pris publiquement.
C’est pour cela que les engagements publics sont importants. Par exemple, sur les caisses marée : si la distribution s’engage publiquement, on sait très bien qu'il y a plein d'acteurs qui vont l'entendre et qui vont du coup attendre que la distribution mette en œuvre cet engagement. Cela crée un moteur pour passer à l’action.
Le problème, c'est que le bâton réglementaire ne tombe pas toujours au bon endroit. Prenons l’exemple du vrac : il impose des obligations aux distributeurs, mais pas du tout aux industriels. Inversement, pour les caisses marée, l’obligation d’atteindre 10 % de réemploi ne concerne pas les distributeurs, mais les fournisseurs de produits de la mer.
Du coup, les distributeurs ne font pas forcément de ce sujet une priorité, car ils ont leurs propres objectifs à atteindre par d’autres leviers. Donc la difficulté est que parfois le bâton réglementaire n'est pas découpé en deux et il tombe soit sur l’un soit sur l’autre.
Les intérêts à court terme divergent entre industriels et distributeurs, et les objectifs réglementaires ne les font pas converger naturellement.
Au-delà de l’aspect réglementaire, il y a l’aspect économique. Je pense que d’un point de vue environnemental tout le monde est convaincu qu’il faut changer les pratiques. Mais ce qui drive les décisions, c’est l’économie. S’il n’y a pas un modèle économique intéressant, malheureusement, ça ne va pas se développer. Mais pour qu’un modèle économique tienne, il faut qu’il y ait du volume, donc un effort collectif.
Un conseil, je ne sais pas... mais j’ai une conviction : si les distributeurs ne collaborent pas avec leurs fournisseurs, ça ne marchera pas ! C’est mon constat. Et comme ils n'ont pas trop l'habitude de travailler ensemble - ou que les relations peuvent être tendues à cause des négociations tarifaires notamment - cela suppose un vrai changement de posture.
Aujourd’hui, chacun attend que l’autre fasse le premier pas, donc ce n’est pas évident. Mais sur le réemploi, il n'y a pas d'autre solution : il faut travailler ensemble, c'est une évidence.
Merci !
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